Avec Selection Naturelle, Kalash Criminel ne laisse aucune place au doute

Le meilleur rappeur hardcore de France est de retour avec Sélection naturelle, un album de 17 titres. Le rappeur Sevranais s’est une nouvelle fois entouré des meilleures plumes du rap français puisque nous retrouvons Damso, Nekfeu, Niska, Biglo&Oli, Jul et 26keuss sur ce disque. Un disque qui touche par sa sincérité, ses prises de risques et un amour du rap, toujours plus fort.

Pour annoncer son album et mettre l’eau à la bouche du public, le grand crimi n’a eu besoin que d’un seul morceau, bien accompagné par Damso.
Avec ce titre c’est un clip incroyable qui a permis de teaser la sortie du disque, on y retrouve les deux rappeurs entourés de multiples figurants albinos.
Kalash Criminel fier représentant de ces personnes trop souvent persécutées pour leur couleur de peau met en lumière un panel de gens aux visages plus beaux les uns que les autres « La rareté est une richesse, tu savais pas je t’informe ».
C’est une vidéo à l’esthétique folle qui colle parfaitement aux couplets dénonciateurs des deux rappeurs en gardant cette touche pleine d’amour et d’espoir qui est si chère au travail de Kalash Criminel. Tous les sourires que l’on voit en fin de vidéo sont le symbole que les choses changent et peuvent encore changer pour le mieux, on l’espère.
Cet effort d’image il est aussi bien marqué par cette pochette magnifique réalisée par Fifou qui prend un sens tout trouvé et qui fait écho au clip, protéger les siens coûte que coûte peu importe le prix.

Ce qui frappe à l’écoute de ce disque, c’est les différents univers que le rappeur a voulu ramener en changeant un peu son crédo du trash par la voix.
Pas d’inquiétude les gimmicks sont toujours là et les refrains assassins aussi, mais Kalash Criminel a testé des choses nouvelles, en étant plus posé, presque en murmurant parfois comme sur le morceau Tarifs ou l’aspect calme de sa voix rajoute un côté assez sombre à un texte qui baigne dans l’illicite ou comme dans J’oublie pas, qui donne du poignant à ce que représente la trahison.
Il créée même des titres qui bien qu’extrêmement personnels ont valeur d’hymnes comme Sale boulot avec un refrain pouvant être repris en choeur avec ce « allez allez allez » évoquant la lassitude d’un quotidien où le mal est toujours mis en avant par rapport au bien.

Le rappeur parvient toujours à toucher du doigts les points de tension de notre réalité, et arrive à dire sans filtre des vérités trop souvent tues tout en affirmant la difficulté d’être franc dans ce monde, « J’assume c’que j’fais, j’assume c’que j’dis, c’est p’t-être pour ça que j’suis incompris » sur le morceau Incompris.
Il nous touche profondément avec Death Note qui fait la part belle à ses influences et à ses années de baraudes dans son quartier.

Dans sa musique, Kalash Criminel fait preuve de compréhension, il ressent avant tout et démontre avec une empathie et une ferveur qui fait sa force les absurdités auxquelles nous sommes confrontés que ce soit au Congo son pays d’origine ou en France et dans le monde entier. « Bien sûr qu’on peut être millionnaire et compatir avec les gilets jaunes ».

Du côté des featurings c’est une incroyable diversité qui nous est proposée, en passant du banger Tu paniques avec Niska au très sombre Droga avec 26keuss.

Autre ambiance sur Turn up où tout crache, des amplis à la voix de crimi, aux textes de Nekfeu, le turn up est brutal et addictif ! 
Que dire du feat avec Jul, ces deux là se connaissent par coeur, chacune de leurs collaborations est une pure réussite et on retrouve dans ce morceau Dans la zone l’univers des deux rappeurs, à la croisée de Marseille et Sevran.
Le côté dansant si cher à Jul et l’art de la découpe de crimi pour un morceau qui se veut entrainant et ghetto à la fois, un mélange détonnant qui reste en tête donne envie de le rejouer en boucle.

Un morceau marquant et important par sa thématique c’est Moments avec Bigflo&Oli. C’est une mélodie et un refrain que l’on semble tous déjà connaitre tant cet air nous parle, rien de bien étonnant puisqu’il est ici question de la vie, où plutôt de son extinction.
La mort cette sentence à laquelle on ne peut échapper et qui nous concerne tous, cette mélodie familière accompagne en fait toutes nos années qui filent et passent en direction d’un terme inéluctable. Un terme qui arrivera le plus tard possible on se le souhaite.
Cette notion d’universel, qui nous concerne tous, est d’autant plus mise en avant lorsque à la fin du morceau un choeur de gospel reprend le refrain, donnant du coffre et de la consistance à ce sentiment partagé de fuite du temps.

Kalash criminel avant d’être le meilleur rappeur hardcore est surtout le plus sincère et c’est peut être ça être hardcore finalement.
Crimi n’écrit pas, il livre crues ses paroles qui content sans artifices une réalité souvent morose et dénonce sans aucun détour les dérives de notre monde. 

Et à l’image du morceau avec Damso, cet album vient sceller le présent d’une vérité immuable et d’un talent sublime, comme un but sacré au terme d’un disque impérial et magnifique car en « vrai de vrai », il n’y a rien de plus hardcore qu’un but en or.
C’est sans aucun doute un classique que vient de nous offrir le Sevranais, une pépite livrée par un rappeur qui au fond, comme il le dit lui même, nous aime tous.