Aurora, déesse transcendentale

La lutine Aurora a entamé sa métamorphose. De créature sauvage, elle s’érige aujourd’hui en déesse incontestable. D’une rare sensibilité, l’artiste Norvégienne propose une musique à la croisée des genres, refusant les étiquettes si ce n’est celle d’onirique. Son timbre incomparable, The Chemical Brothers, Arcade Fire ou tout simplement Disney se le sont accaparé pour servir leur musique. Après une longue série d’EP, Aurora sort son troisième album. The Gods We Can Touch est une météorite que l’on admire tel un signe divin. 

L’imagerie céleste d’Aurora est à l’image de sa spiritualité. Teintée de folklore, de religions orientales et pourtant envahie par le digital. Aurora se représente en divinité hybride, entre la duplicité d’une Kali et la saturation informatique d’un American Gods. A l’image de l’œuvre de Neil Gaiman, l’artiste semble sortir de croyances ancestrales, propulsée dans un monde où l’intelligence artificielle et la rationalité a pris le dessus sur le mysticisme. Une reconnection ironiquement possible grâce au digital. 

Après une intro instrumentale en toute délicatesse, Aurora débute son conte onirique par Everything Matters. La chanson fut particulièrement bien reçue par le public français grâce à sa collaboration avec Pomme. Ballade sensible qui s’envole avec grâce, la chanteuse s’accapare aussi des styles musicaux et arrangements ultra modernes. Rythme trap, chœurs sublimés au vocodeur, Aurora transcende les techniques de l’époque. 

De nombreux cantiques résonneront tout au long de l’album, sonnant tel des cris du cœur à une puissance supérieur dont l’amour est le représentant. You Keep Me Crawling possède la beauté du désespoir et de la résilience alors qu’un Exhale Inhale devient une prière pieuse.

L’apothéose du genre se fera avec l’extraordinaire Exist For Love, la quintessence de la tendresse. Ballade acoustique teintée de fausse candeur, Aurora sort les violons, la harpe et les chœurs dans un titre terriblement rétro et d’une beauté absolue… On vibre grâce à la très légère montée en tension avant de s’abandonner dans les bras de l’amour. 

Grande nouveauté, l’artiste décide de nous abreuver d’hymnes pop, sans doute par volonté de nous faire danser dans cette période sombre. Cure For Me peut sembler particulièrement surprenant au premier abord, Aurora utilisant le vocodeur pour ramener des sonorités plus digitales. Composé tel toute bonne chanson du top 50, le morceau alterne entre couplets mélodiques,  montée progressive puis refrain ultra dansant. C’est calibré comme aucun de ses autres morceaux, mais fait avec un talent et une originalité que l’on ne peut lui enlever. Après tout pourquoi pas, c’est réussi. Un exercice que reproduira Aurora avec A Temporary High et ses vibes très 80’s. Dua Lipa n’aurait pas renié le titre. 

Une des particularités les plus appréciables d’Aurora est la puissance guerrière qu’elle porte. Il semblerait qu’une ancienne âme de Walkyrie guide sa voix. Accompagnée de tambours guerriers sur des morceaux tels que Giving In To The Love, le contraste est saisissant. Martial, la voix d’Aurora résonne tel un appel à rejoindre le front et se sacrifier pour ce que l’on croit. L’extrêmement puissant Heathens résonne tel un conte transmis depuis les débuts de l’humanité au rythme des tambours. Encore plus tribal, Blood In The Wine, pourrait devenir le nouveau générique de Game of Thrones. Loin de la confrontation, Aurora fait résonner grâce avec puissance. 

Traitant de sujets aussi sublimes que le pouvoir féminin, la souveraineté de la résilience, la découverte de l’amour, la divinité ou la reconnexion avec la Terre, l’album est un condensé d’immensité et de tendresse. Associant chants traditionnels venus tout droit d’une culture en perdition, Aurora ressuscite une spiritualité ancrée dans le mystique et l’émerveillement. The Gods We Can Touch est une merveille absolue, aussi variée que les facettes de son artiste. Ilot de beauté, l’album est une évasion comme on en fait peu, produit de façon magistrale. Le sacre d’une divinité de la pop.