Retour sur je n’aime que la musique triste avec Adrien Durand

Homme aux multiples talents et aux multiples vies, Adrien Durand a profité du confinement pour se lancer dans une nouvelle aventure : l’écriture de recueils de nouvelles. Alors qu’il vient de dévoiler un deuxième livre, on a décidé de revenir avec lui sur son premier tome : Je n’aime que la musique triste.

crédit Yann Le flohic

La Face B : Salut Adrien, comment ça va ?

Adrien Durand : Moi je vais plutôt bien, je suis à Bordeaux, il fait beau. J’ai eu mon permis de conduire récemment donc à trente- huit ans c’est un accomplissement qui n’est pas négligeable (Rires).

LFB : Pour commencer, j’ai envie de te laisser faire les présentations.

Adrien Durand : J’ai donc trente-huit ans. Je suis né en 82, je suis un peu actif dans le milieu de la musique indépendante, underground depuis 2002/2003. J’ai d’abord été musicien, ensuite organisateur de concerts. Après j’ai fait des petits boulots puis j’ai bossé de nouveau dans la musique notamment pour le festival Vilette Sonique et pour une boîte de booking qui s’appelle Kongfuzi.

J’ai donc touché un peu à tout, de la com’, du booking, de l’orga de concerts … et puis j’écris depuis 2013/2014 de manière un peu plus « professionnelle ». Aujourd’hui je m’occupe d’un projet d’édition webzine/blog qui s’appelle Le Gospel et je fais quelques piges pour les Inrocks… Je suis aussi auteur hébergé par la maison playlist Society. J’ai fait un essai sur Kanye West le mois dernier et là j’en prépare un nouveau.

LFB : On est là pour parler de ton livre je n’aime que la musique triste. Est-ce que tu as été surpris par la réception, par l’accueil qui a été faite sur ce livre ?

A.D : Ouais sur l’adhésion, sur le succès. Je ne suis pas encore Marc Lévy. Sur la niche que ça concerne, de la résonance que ça eu chez les gens. J’ai reçu et je reçois encore beaucoup de message de gens qui me parlent du livre, de ce qu’ils ont aimé dedans, comment ils se sont identifiés. Je pense que ce qui m’a le plus surpris, c’est la variété des gens qui m’ont contacté ou qui ont l’air d’avoir bien aimé le livre.

Au niveau des âges, des provenances, des gens qui sont plutôt musiciens, des vieux, des jeunes. Après, effectivement, j’étais très heureux de voir que ça avait bien accroché. J’ai fait le truc très spontanément. Je fais rarement des plans marketing ou des business plans. C’était très spontané et j’ai eu l’idée de faire le truc pendant les vacances de Noël quand j’étais à la mer. J’ai écrit le truc en un mois et demi et après je l’ai annoncé, envoyé à l’impression et dix jours plus tard les gens l’avaient dans la main. C’était très simple et très spontané

L.F.B : Justement avant de parler de ce qu’il y a dans le livre, je me demandais, au vu de la taille et du format du livre, si tu le voyais comme quelque chose qui pouvait se transmettre de personne à personne.

Adrien Durand : En tout cas, ce qui était important c’est que çane coûte pas trop cher, à la fois à faire et à vendre. C’est un truc super important. J’aimais bien l’idée et ça a été pas mal soufflé par Romain Barbot , qui s’occupe de toute la D.A des projets que je fais, d’aller un peu dans le clin d’œil du livre de poche. J’aimais bien ce côté où ce n’était pas trop un truc sacralisé. Je n’aime pas trop les objets de luxe. Je trouve ça bien que des gens le fasse mais ça ne correspond pas trop à ma vision des choses. Je n’avais pas forcément envie de faire un livre qui coûte trente balles, hyper luxueux tout ça. J’aimais bien que ce soit assez facilement, enfin envoyé facilement, donné facilement, se mettre dans ta poche arrière comme un paquet de clopes.

LFB : Tu dis que ça s’est fait spontanément, le point de départ, l’ancrage qui t’a donné envie d’écrire ce livre vient d’où ? Comment t’es venue l’idée d’écrire ?

Adrien Durand : ça m’est venu du titre un peu. J’ai relu pas mal de nouvelles aussi notamment d’un écrivain, qui est un peu le roi de la nouvelle qui s’appelle Raymond Carver. J’ai relu ses livres en fin d’année dernière et en faisant des recherches sur lui j’ai lu qu’il sortait des recueils édités à cent exemplaires qu’il distribuait aux gens autour de lui avant qu’il ne soit repéré par un éditeur. Tout était numéroté, maintenant ça coûte les yeux de la tête bien évidemment parce que c’est un auteur légendaire. Et je me suis dit que ce format était pas mal,très symbolique. Si par exemple il y a un couple qui a une relation amoureuse qui va se terminer, il va le symboliser par une panne de courant et toute la nourriture qui pourrit dans le frigo. Du coup j’aimais cette idée-là, que ce serait chouette de l’adapter dans un format un peu plus hybride entre la narration et la chronique.

L.F.B : Quand on lit le recueil, j’ai l’impression que plus que de parler de musique, on est face à un livre qui est sur le rapport aux souvenirs en fait.

Adrien Durand : C’est vrai. La thèse de départ, si on peut dire qu’il y a une thèse, c’est que souvent les chansons qu’on aime bien, elles marchent comme des marqueurs temporels. Tu rentres dans un supermarché, tu entends un morceau et ça te rappelle une soirée que tu as passé vingt ans avant quand tu étais au lycée ou une personne que tu ne vois plus. J’ai remarqué que c’était souvent les morceaux un peu plus mélancoliques qui inspiraient, qui marquaient d’un post-it « tiens ce moment tu vas t’en rappeler dans dix, vingt ans, trente ans ». Explorer la mémoire, pourquoi notre mémoire investit la musique. Pour d’autres personnes, c’est certainement d’autres choses, des endroits, des odeurs, je ne sais pas. Ça intervenait par rapport à l’âge que j’ai. Tu commences à être dans un âge où les gens autour de toi, leur passion de la musique est souvent… Il y a de moins en moins de gens passionnés par la musique quand on vieillit parce qu’il y a d’autres choses plus importantes pour pleins de gens. C’était aussi se demander pourquoi elle est toujours aussi importante pour moi, par rapport à l’endroit où j’étais rendu.

LFB : Justement, je me demandais comment tu avais écrit ces nouvelles. Je trouvais qu’il y avait un côté très éclaté dans l’écriture c’est-à-dire que parfois on passait d’un sujet à un autre de manière très hachée. Je me demandais si tu t’étais relu après avoir écrit une nouvelle pour voir si tout avait du sens. J’ai une façon d’écrire sur la musique où c’est vraiment un jet qui arrive d’un coup et je ne me relis pas forcément.

Adrien Durand : Le truc important pour moi c’est que je ne voulais pas que ce soit trop relu, trop édité. Je voulais que ça reste assez brut quand même. L’idée c’est qu’il y ait une énergie assez orale dedans. Ça intervient à un moment où on ne peut pas trop se réunir, on ne peut pas trop discuter. Ces nouvelles sont un peu là pour ouvrir une discussion. Que les gens puissent s’envoyer des messages en disant « ça m’a fait réfléchir à ça », « moi aussi je pensais arrêter la musique », « est ce que je devrais continuer » tout ça. Donc en général, c’était une idée de départ, une image qui venait et puis voilà. C’est important pour moi de les publier dans l’ordre où je les ai écrites. Donc c’était de respecter l’ordre du cheminement de ma pensée. Je ne voulais pas trop tricher, pas trop d’effets spéciaux, pas trop faire de montage.

LFB : Quel cheminement tu fais toi entre le début du livre sur Morissey et la dernière nouvelle.?

Adrien Durand: Morissey c’était un peu le point de départ parce qu’il y avait cette idée quand même de comment est-ce qu’on peut vieillir quand on a été un peu subversif, mélancolique avec des partis pris un peu fort. C’était la question de se demander quel Morissey vas-tu devenir en vieillissant, celui que tu n’aimes pas trop maintenant ou celui des années 80.

Pour la fin, je voulais parler de l’idée qu’à un moment on aime plus les histoires de musicien que la musique qu’ils jouent vraiment. Aujourd’hui on est dans un truc très dominé par ça, je fais aussi de la com’, c’est une partie de mon métier. Ça me fait réfléchir à ça. C’est aussi une façon qu’on a de reconstruire le passé. Se dire qu’un artiste qui était complètement mineur il y a 30 ans, d’un seul coup trois personnes d’un label décident de le rééditer et de lui donner une importance démesurée. Ce sont ces effets de mirage que je trouve intéressants.

LFB : Justement sur Morissey, tous les gens qui s’intéressent à la musique ont une opinion dessus. Tu ne penses pas que c’est un hypersensible qui a basculé du côté obscur ?

Adrien Durand : je ne sais pas si quelqu’un aura le fin mot de l’histoire. Ce ne sera pas moi. Ce que je trouve marrant dans ce personnage c’est que d’abord il était chanteur dans un groupe qui n’existait plus déjà quand j’étais ado. Je n’ai pas trop eu cette ferveur là et pourtant, une des premières personnes que j’ai rencontré à Bordeaux m’a dit au détour d’une conversation « j’ai acheté un t-shirt des Smiths à ma nièce parce que pour moi les Smiths c’est important ». D’un seul coup tu dis que ça te rapproche de cette personne. Ce qui est complètement absurde.

Ce sont les mêmes mécanismes que dans la cour du collège où on se disait « lui, il écoute la même musique que moi. » ce marqueur-là reste. Après Morissey rentre maintenant dans la catégorie des vieux punks un peu fortuné qui perde pieds, qui ne savent plus comment être subversif et qui du coup le font de travers. C’est un peu la même chose avec Johnny Rotten. Je ne pense pas qu’ils soient hypersensibles, ce sont des gens dont leurs qualités de musicien les a carrément déconnectés de la réalité et qui essaient de s’y raccrocher par des mauvais endroits.

LFB : Quand tu parlais tout à l’heure d’un défilement chronologique dans le livre, je me demandais s’il y avait des choses que tu avais supprimées ?

Adrien Durand : Il y a des noms que je n’ai pas mis parce que je préférais que ça reste assez vague pour que les gens pussent s’identifier. Je ne vais pas citer les groupes dans lesquels j’ai joué. Je n’ai pas non plus envie d’être dans la dénonciation, notamment quand je parle de comportements désagréables ou toxiques. Je ne me suis pas censuré, je n’ai pas essayé de me donner le beau rôle, j’aurais l’ai con.

LFB : Est-ce que tu penses que la musique est triste à la base ou que c’est la personne qui peut aussi la rendre triste. Par exemple, il y a des chansons hyper joyeuses qui me rendent tristes…

Adrien Durand : C’est vrai, c’est marrant d’ailleurs ce truc-là. C’est surtout de ce qu’on fait des chansons qui inspire ces sentiments là. Seven nation Army des White Stripes qui est devenu l’hymne des sportifs et tout ça, ça en fait un morceau assez glauque, bourrin. Je pense qu’à l‘écriture, ils le voyaient comme un truc épique. Quand tu écris un bouquin, quand tu fais un morceau, tu le lâches dans la nature et c’est les gens qui vont décider de ce qu’ils font en faire. Quand tu repenses à  I Will Survive  qui est un hymne gay qui s’est retrouvé chanté par la France entière qui à l’époque n’était pas forcément ouverte d’esprit sur ce sujet. Notamment dans le foot. J’aime bien ces accidents. Ce que je n’aime pas dans la musique, c’est les émotions sur-jouées, celles qui se foutent de la gueule des gens. En ce moment on écoute pas mal de musique tout seul, le livre est naît de ça aussi.

L.F.B : Tu peux découvrir un morceau différemment. Avec le livre, tu as créé la playlist qui va avec le livre, ça peut te mettre dans des ambiances différentes avec ou sans la musique.

Adrien Durand: Je ne voulais pas écrire un bouquin triste, je vais essayer de faire des trucs un peu marrants, notamment le truc de la soirée sous MDMA où il y a la fille qui écoute les Counting Crows et qui a envie de pleurer et tout ça. Typiquement c’est un morceau où l’émotion est sur-jouée, c’est fait pour être dans une série américaine avec une rupture entre deux ados. Les émotions de la nana qui est défoncée sont forcément hyper fortes, c’est le genre d’accident que je trouve marrant.

LFB : Tu racontes même que les chiottes de concert te manquent, c’est un truc que tout le monde vit en ce moment tu vois. Je me demandais si par moment tu avais des retours ou si tu avais été surpris par la réaction des gens ou de la manière dont ils les ont raccrocher à leur propre existence ?

Adrien Durand : Je n’ai pas vraiment été surpris, j’ai plutôt été des fois touché et des fois tu ne sais pas quoi répondre. Tu reçois des supers longs messages sur un texte personnel donc c’est compliqué d’enchainer. Quand ils me disent que ça leur apporte un peu de répits ou de réflexion. La sortie du bouquin était une sorte d’expérience collative dématérialisée. Je me suis retrouvé avec pleins de gens avec qui je n’aurais jamais parlé, de musique. Même si c’était à distance, c’était quand même mieux qu’être tout seul à écouter e la musique derrière mon ordi.

L.F.B : On en a parlé au début de l’interview, je parlais de surprise, le côté intergénérationnel de ton livre c’est quelque chose auquel tu t’attendais ? Pour en avoir avoir parlé à beaucoup de gens différents, des potes de vingt à trente-cinq qui se sont retrouvé dans ton livre.

Adrien Durand : C’est une précaution de pas être dans un truc de vieux de la vieille. J’aime beaucoup la littérature punk quand les mecs vivaient vraiment le truc. Je ne voulais pas être donneur de leçon, d’admettre que je n’ai pas vraiment de solutions. C’est ok de ne pas aller bien, de faire tomber l’armure. En ce moment on est un peu face à nous-même et ça touche un peu tous les adultes en ce moment.

LFB : Quand on lit le livre, ton histoire à travers ce livre, on a l’impression d’être face à quelqu’un qui est sur la brèche. Qu’est ce qui t’a sauvé ou retenue ne pas tomber du mauvais côté de la brèche ?

Adrien Durand: Pour être honnête, ce qui m’a sauvé c’est tombé du mauvais côté. Il m’est arien arrivé mais plein de fois, ce n’est pas passé loin. C’est aussi d’avoir quitté Paris même si ce n’est pas une décision, c ’est un truc que j’ai vécu forcé, maintenant, ce mode vie un peu excessif et sur la brèche, j’avais l’impression que c’était normal parce que tout le monde vivait comme ça autour de moi, donc j’avais un peu choisi ce truc-là. Prendre du recul.

LFB : Dans tes activités, la promotion d’artistes par exemple, est ce qu’on peut vivre dans cette vie-là et vivre dans le monde de la musique de manière différente ?

Adrien Durand: Je n’ai pas changé pas ma façon de voir le monde ou de travailler, ce qui a changé c’est que j’ai décidé de me fermer aux gens qui essaient de m’utiliser ou me violentaient parce qu’ils considéraient que c’était pas comme qu’il fallait faire. Après, il y a un certain nombre de gens qui considèrent que ce n’est pas comme ça qu’on écrit. J’ai sorti le premier numéro du fanzine, j’ai fait un premier numéro polycopié envoyé gratos. Un journalisme que je ne connaissais pas l’a reçu et m’a écrit un mail pour me dire que ce n’était pas comme ça qu’il fallait faire. Je pense qu’avant ça m’aurait mis plus bas que terre et là je m’en fous quoi. L’industrie de la musique c’est soit des gens qui font de la musique soit des gens qui veulent faire partie de l’industrie mais ce n’est pas la même chose. ca dépend de l’éthique, je ne suis pas là pour dire que c’est mieux de faire comme j’ai fait. Je serai toujours à l’écoute des gens qui voudront en parler.

LFB : Cette idée d’envisager les choses de manière un peu plus saines. C’est peut être l’avantage de faire ça sans contrainte, tu as une certaine liberté dans ce que tu fais.

Adrien Durand: Beaucoup de gens me demandent pourquoi je ne fais pas d’abonnement, pourquoi je ne distribue pas en kiosque. Si je mets le pieds dedans, tout ce qui fait que c’est bien … Je préfère arrêter dans deux ans ou l’année prochaine quand j’en airai marre plutôt que d’essayer de dégager du budget pour me payer. J’ai la liberté de le faire. Je peux très bien comprendre que quand on monte un média on ait en envie d’en vivre. C’est toujours cette lutte entre l’art et le commerce (Rires). Pour résoudre cette dualité, à travers ce que je fais, je ne cherche pas à gagner de l’argent. Les bénéfices du Gospel, je les redistribue aux gens qui travaillent avec moi. Je suis le seul à ne pas être payé pour bosser dessus et ça me paraît normal. Je sais qu’il y a des médias qui font le contraire. J’ai une conscience de gauche, il y a un truc social derrière. Je ne vois pas faire de la pub.

LFB : Je lis Gospel, je me demandais comment tu mets ta personnalité dans l’écriture ? Dans tes textes, tu parles souvent de toi.

Adrien Durand : Les gens avec qui je collabore des fois, c’est bien que l’article soit personnifié. Je trouve que les gens s’effacent derrière des formules, derrière des superlatifs. Comme s’ils étaient une sorte de générateur d’articles. Quand tu lis des editos politiques, sur le cinéma, les gens mettent beaucoup plus d’eux et ça rend l’article plus fort. Il y a aussi des articles où il faut s’avoir s’effacer, ça dépend du sujet. Par exemple, l’article sur la musique électronique bourgeoise française. Il est introduit par mon expérience à Paris dans les clubs où pour moi la techno était pour les teuffeurs et les free party. A paris, c’est la même musique sauf que c’est trente balles l’entrée et que la vodka est à dix euros avec que des gosses de riches. C’est intéressant, à partir du moment où tu mets « je » dans un article, tu es plus impliqué. C’est un truc qu’on t’interdit de faire dans d’autres publications. Dans les Inrocks, tu reçois une charte pour dire que c’est interdit. C’est un contre-pied.

C’est plaisant dans la mesure où il y a une variété de format aussi. Le livre sur Kanye West est écrit d’une certaine manière pour la maison d’édition qui me l’avait commandé. J’aime aussi écrire avec des contraintes.

LFB: Finalement, quels sont tes futurs projets ?

Adrien Durand : Toujours le fanzine, des idées pour un prochain livre (Je suis un loser, baby sorti depuis ndlr) et un projet de livre avec playlist Society. J’essaie de ne pas faire trop de plans.

L.F.B : Pour terminer, c’est quoi ton top 5 de tes chansons tristes préférées ?

Adrien Durand :

1 .Flying Burrito brother Dark End Of the Street

2. Weezer – Tired of sex

3. Kanye West – FML

4. Xiu Xiu- Muppet Face

5. Wendy Rene – After laughter