ADN # 513 : PAR.SEK

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Pour accompagner la sortie de son titre Mölkky, Simon de PAR.SEK nous a raconté les morceaux qui font son ADN musical.

portrait PAR.SEK

Ryoji Ikeda – Data.matrix

J’ai découvert ce morceau pendant mes études. A ce moment-là, mes cours tournaient autours du Nouveau Média, de la musique électronique expérimentale, de la fabrication d’installations destinées à aller dans des musées, ou bien de dispositifs de performance, avec des sons qui réagissent à des capteurs, ou ce genre de choses. 

C’est des esthétiques qui peuvent être assez difficiles d’accès, et moi j’étudiais tout ça sans trop comprendre les motivations des gens qui les faisaient, parce que j’avais un peu l’impression que les émotions étaient mises de côté dans la manière d’écouter ou de présenter les oeuvres. Or, moi ce que je cherchais dans la musique, sans encore m’en rendre compte, peut-être, c’était de créer et ressentir des émotions fortes, assez basiques, qui rythment le quotidien, et qui me paraissent être le sujet le plus important et le plus central d’une vie. 

Pour moi, la musique (et l’art) est aussi un moyen de communication avec les autres, comme un langage qui permet de dire plus de choses, de parler des choses pour lesquelles il n’y a pas de mots. A travers ce langage on peut aussi être, du coup, très honnête, aller peut-être au fond de notre esprit au moment où l’on chante, joue, écrit ou compose.

Tout ça pour dire que du coup, la musique contemporaine expérimentale (ça réunit plein de choses très différentes mais je ne saurais pas quoi dire d’autre), ça ne me paraissait pas idéal pour ça, vu que c’est un langage assez complexe et inhabituel, qu’il faut y être initié à un moment, en écouter beaucoup, pour capter quelque part une émotion ou un discours qu’on peut entendre. Pour ma part, il y a plein de choses que je ne comprends pas là-dedans.

Et donc, on en arrive à Riojy Ikeda, qui a composé cet album qui s’appelle dataplex. Dedans, c’est des morceaux très électroniques, un peu bizarres, avec des sons très aigus, des bruits, ça sonne vraiment informatique, j’ai un peu l’impression d’être dans le cerveau d’un robot en écoutant ça, ou dans le corps d’une machine.

Mais c’est aussi très humain, et j’ai trouvé ce morceau, data.matrix, très émouvant, comme si Ikeda arrivait à toucher une espèce de pureté à travers ça. Je l’ai écouté vraiment en boucle pendant une période, et c’est après que j’ai composé le premier morceau de mon premier EP / p a r . s e k /, qui s’appelle Hipparkos. Je pense que je voulais faire la même chose que lui en gros, et puis finalement, c’est parti dans une autre direction, mais il reste plein de traces d’Ikeda dans ce morceau, et dans tout l’EP dont il fait partie. Je comprends toujours pas pourquoi il m’émeut autant, mais je crois que j’aime bien aussi ne pas comprendre, ça garde une certaine magie qui est importante pour moi dans la musique que j’aime. 

Oklou et Flavien Berger – Toyota

J’ai accroché à Flavien Berger dès que j’ai découvert ses morceaux (ça a du commencer avec Maddy la Nuit) et j’ai tout de suite écouté beaucoup de ses titres en boucle eux aussi (je fais surtout ça, alors je connais au total peu de musiques). Et je suis donc tombé sur ce morceau, qui m’a beaucoup ému lui aussi, et c’est toujours le cas. Il y a là aussi une sorte de mystère dans le texte, une enquête à faire pour comprendre de quoi ça parle, et sûrement qu’à la fin on ne sait pas exactement, cela dit on dégage un sens pour nous, à travers la musique, les sons et les mots. Je trouve qu’il y a des phrases très importantes dans cette chanson (“moi j’ignore ce qu’il faut – Je cherche ce qui est beau – que ce soit vrai ou faux”) et je l’ai écoutée beaucoup récemment, au moment où j’ai capté que les textes que j’écrivais me paraissaient trop pragmatiques ou trop terre à terre. 

En fait, je crois qu’avant ça je cherchais une vérité universelle sur le monde (qui me semble ne pas vraiment exister, pourtant). Et ça me faisait passer un peu à côté d’un aspect émotionnel et poétique dans les textes, je trouvais ça dommage. En plus, après coup, j’ai l’impression que c’était un peu pour me cacher à moi-même que je me réfugiais dans des certitudes. 

Du coup, ce morceau et toute la musique de Flavien Berger m’a aidé dans ce mouvement, m’a aidé à lâcher prise et à plonger un peu dans quelque chose de plus poétique et de moins concret aussi. Je ne pense pas que ce soit plus déconnecté du monde, au contraire, je crois que c’est une manière de coller plus au réel que de chercher la poésie. Et puis, je crois qu’on s’attache plus aux textes quand ils ne révèlent pas tout tout de suite, qu’on peut y capter quelque chose de différent à chaque écoute. 

A ce moment-là, je connaissais pas du tout Oklou, je l’ai découverte après, avec des sons comme god’s charriot, et j’ai retrouvé la même poésie dans la voix, la diction et la prod, ça m’impressionne beaucoup. Ce que j’aime dans Toyota, c’est que le texte est en français, alors j’ai plus de facilité à être touché par les mots dans cette langue-là, je trouve que ça frotte un peu plus et j’aime bien. Cela dit, ses morceaux en anglais sont trop bien, et sa voix et son univers sont oufs aussi. 

Iùa – Cikkun 

C’est un morceau de l’album Gamut, de mon ami Cinna Peyghami. J’ai vécu avec lui pendant 1 an, à un moment où je découvrais tout juste la musique électronique. En gros, je le voyais faire des morceaux trop bien à l’appart, ça m’a donné envie et j’ai téléchargé le même logiciel que lui, je lui ai demandé des petits tips, et puis c’est comme ça que j’ai commencé, avant PAR.SEK, à vraiment essayer de composer des morceaux jusqu’au bout et tout. 

Ce que j’aimais beaucoup chez lui, c’est qu’il avait l’air de faire tout ça de manière très instinctive. Avec beaucoup de liberté aussi, et d’honnêteté dans la musique. J’avais pas l’impression qu’il avait peur du regard des autres sur la musique qu’il faisait, et je sentais qu’il prenait des décisions à la volée dans ses compositions, sans trop se prendre la tête (ce qui est très inspirant) et ça marchait très bien.

Tout ça donnait un résultat incroyable en plus, assez particulier, à la limite du scientifique, mais qui reste quand même très émotif et touchant. On a l’impression d’entendre le fond de son âme quand on le voit jouer ou qu’on écoute ses morceaux. Je sais pas ce qu’il dirait de ça, mais bon, c’est comme ça que je le reçois. J’aimais trop le regarder composer et écouter ses morceaux, il était assez habité dans ces moments-là et je trouvais ça génial. 

David Bowie – Space Oddity

Voilà, c’est pas très original mais bon, je trouve que ce morceau est assez incroyable. En très peu de temps et avec très peu de mots, j’ai l’impression qu’il arrive à exprimer plein de sentiments et d’émotions, sur plein d’aspects de la vie, l’amour, la famille, le succès, la solitude, l’impuissance, la beauté, la contemplation, la politique… je sais pas bien, peut-être que je sur-interprète, c’est très possible.

Mais en tout cas, je reçois ça de cette chanson et je la trouve très touchante. Et je trouve ça super fort de réussir à faire ce genre de choses, c’est très beau aussi. Aussi, j’ai fait une traduction du texte en français pour une audition un jour, et le texte reste super beau même traduit quasi littéralement, alors je me dis qu’il y a vraiment quelque chose qui a été trouvé dans cette chanson. 

Yelle – Que veux-tu

J’ai un peu redécouvert cette chanson il y a 2-3 ans, par là. Je mets ça là, mais il y a plein d’autres chansons de Yelle que je trouve super. En fait, je pense que j’aimerais bien être comme elle. Je la trouve super stylée, j’aime bien la manière dont elle écrit, sa musique me semble assez politique, mais aussi très fun et très libre, et j’aime beaucoup ça. Elle passe dans plusieurs registres aussi, parfois plus deep et parfois plus légers, mais ça reste toujours puissant émotionnellement, et puis ça danse, ça donne plein d’énergie et d’envie aussi. 

Je trouve que c’est très beau que des artistes fassent ça, et aussi courageux, parce que c’est se rendre vulnérable d’écrire comme ça. 

Enfin, j’ai l’impression de me souvenir qu’il y avait des gens qui aimaient beaucoup, mais qu’il existait aussi une forme de mépris de la musique de Yelle, comme quoi c’était trop léger ou pas intelligent. Mais bon, je dis ça, si ça se trouve ce n’était qu’autour de moi qu’il y avait ce genre de réflexions. En tout cas, je me souviens que moi, je trouvais ça assez fun étant petit, et maintenant je trouve ça très beau, libre et courageux aussi, et j’ai beaucoup d’admiration pour cette musique. En plus, je trouve que c’est une musique très précurseuse, et que si des morceaux comme “que veux tu”, “je veux te voir” ou plein d’autres sortaient aujourd’hui, ce serait aussi des hits. 

Je me dis que j’aurais aimé que certains morceaux de Yelle sortent maintenant, ou il y a un ou deux ans. J’ai découvert quand j’étais un peu jeune quand même et je pense qu’il y a plein de choses que je captais pas dans le discours, c’est un peu dommage. Mais bon, finalement je peux redécouvrir maintenant, donc c’est cool. 

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