ADN #454 : Sinaïve

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétique. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Groupe de shoegaze, noise, chanté en français, les strasbourgeois de Sinaïve ont partagé tant bien que mal les références musicales qui définissent le groupe.

Sinaïve par Sandrine Champdavoine

THE VELVET UNDERGROUND – I Heard Her Call My Name (1967)

Calvin : L’alpha et l’oméga. C’en est sans doute devenu un cliché, mais en parlant d’eux, on parle des autres. Suicide, Ramones, Mary Chain, Spacemen 3, on passerait la journée à faire la liste. La première fois on hésite, est-ce ainsi que le rock il roll ? Une batteuse qui tape, la basse qui suit la pulsation, et un
guitariste qui chie sur le mix. L’essence même de Sinaïve.

DOMINIQUE A – Les habitudes se perdent (1992)

Calvin : Le même esprit bruitiste, mais en France début 90. Donc un petit son, donc du lyrisme: autant anglais-C86 qu’emprunté à Barbara. Visiblement un chanteur ou peut-être une chanteuse, les gens hésitent quand ils entendent La Fossette à sa sortie; celui-là même qui arrive à mettre en avant ce que l’idéologie art-déco (quand il est au service du SONGWRITING) sait faire de mieux dans ce pays: une chose vide, abrasive et bricolée au CASIO qui s’assume à 1000%.

BUZZCOCKS – Moving Away from the Pulsebeat (1978)

Calvin : La découverte des punks avec Raw Power, les Jam, les Damned, bref des références sans doute encore plus importantes que ce qui se trame ici.
Nevermind the Buzzcocks, redécouverts pour ma part à la fac. Je crois que le grand Sonic Boom disait « être dans un groupe de rock c’est être au plus proche d’une relation sexuelle avec quelqu’un sans avoir à consommer ». Oui et bien surtout en écoutant les Buzzcocks avec Alaoui dans sa chambre en mangeant des bonbons, finalement. D’une pulsation l’autre !

THE CURE – The Figurehead (1982)

Calvin : L’ultime power trio n’a jamais été Motörhead mais bien les Cure, lors de la tournée ’82. Ce sont soniquement les Rallizes dénudés, non contraint par le manque de technologie mais bien galvanisés par la pornographie des émotions et le paroxysme d’une tension seulement palpable dans un groupe de rock… Avec en prime cette voix malade, nous balançant une ribambelle d’images cauchemardesques sur une musique tribale intensément psychédélique. Sauvage, martial & avouée : Pornography.

JEAN-LOUIS MURAT – Le Monde Intérieur (2003)

Calvin : En France, nous sommes le texte. Malheureusement, peu de gens prennent vraiment la chose au sérieux. On ne reconnait pas vraiment le pire entre les perfides groupes chantant en anglais et ceux qui écrivent des textes dans leur langue avec leurs pieds. Un soupçon d’emphase (dégagez d’ici Brel & Ferré avec votre cortège), une culture poétique ne cachant pas ses références et être conscient de sa valeur de poète (car n’en déplaise, de Ronsard au rap français rien n’a changé) sont des qualités que Jean-Louis Murat arbore fièrement.
Sans doute un des rares piano-voix lent à la française inspirant Sinaïve. Une chose est certaine et par pitié, ne laissez plus aucun goujat vous expliquer que notre langue est incompatible avec le rock. Parce que ces gens-là en ont été les premiers fossoyeurs de sa version francophone. Ni oubli, ni pardon. Il faut bien s’appliquer à la tâche, quand même.

THE PARLIAMENTS – Testify (1967)

Calvin : Musique de l’âme, musique du corps. Plus besoin des Rolling Stones, tout est là en mieux. On a réalisé une adaptation de ce morceau en français avec un texte à l’emphase sentimentale proche de Murat justement, car comme Billy the Kid nous n’avons pas peur. Vous serez les témoins.

NEU! – Für Immer (1973)

Calvin : Relâcher la pression en profitant de ce « psychédélisme pastoral » (cf. Iggy Pop) autant que se lever pour aller danser.
Le rock minimaliste est un sport qui se joue à plusieurs nations de tous les pays mais à la fin c’est toujours l’Allemagne des années 70 qui gagne.

SCIENTIST – Ten Dangerous Matches 1 (1982)

Calvin : La Jamaïque, quand elle vous prend, ne vous ramène plus jamais vers les rivages intérieurs de votre continent. Musique grave pas si basse et des clichés qui ont la vie dure, un peu comme les habitants de Trenchtown d’ailleurs. Ici c’est le Scientist ingé son/protégé (à seulement 19 ans) du grand King Tubby qui, non content de pouvoir compter sur les Roots Radics aux instruments et ce diable de Johnny Osbourne au micro, a su renouveler les codes bien fanés de notre pâle logiciel rock pâle.
C’est une production qui a beau dater de 1982, on écoutera encore ça seuls ou ensemble sur Mars. Je pense qu’il est important de s’ouvrir au merveilleux monde du dub lorsqu’on s’auto-produit avec des logiciels, et ce peu importe le style de musique. Partir d’ici …

AUTECHRE – VI Scose Poise (2001)

Calvin : … pour en arriver là. La musique de Sinaïve « en studio » lorsqu’elle est auto-produite a pour l’instant été façonnée en enregistrant d’abord des pistes d’instruments et de voix mixées ensuite sur le logiciel Ableton Live, qui n’est à la base pas vraiment fait pour ça. Il est tout à fait possible de composer à partir de ce type de logiciels, preuve en est ici. Autechre est une source d’inspiration constante (et est amené à encore plus le devenir) pour l’utilisation radicale de la technologie numérique.
Ce morceau, ce disque va loin. Ce n’est définitivement pas pour tout le monde et reste évidemment une musique électronique expérimentale loin de celle de Sinaïve dans son contenu et surtout de ce qu’elle peut représenter en live. Seulement, l’émotion suscitée reste autant une influence aux côtés du rock & roll que le dub sur la démarche créative et la récupération des moyens de production.

MY BLOODY VALENTINE – Wonder 2 (2013)

Calvin : Plus qu’une démarche radicale, c’est comme disait l’autre en commentaire YouTube « Brian Wilson dans un 747 ». Rien à ajouter.

Découvrir Super 45 T de Sinaïve :

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