ADN #388 : Sol Hess and the Boom Boom Doom Revue

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Alors qu’ils vient de dévoiler son album, And the City Woke up Alone, avec The Boom Boom Doom Revue, Sol Hess nous raconte les morceaux qui ont compté dans sa carrière musicale.

CHARLIE HADEN & LIBERATION MUSIC ORCHESTRA –  El Quinto Regimiento/ Los Quatro Generales / Viva La Quince Brigada 

Sol Hess : En 1969, Charlie Haden a monté le Liberation Music Orchestra, une sorte de big band free jazz superbe comprenant entre autres Don Cherry, Paul Motian, Gato Barbieri… et avec Carla Bley aux arrangements. Ce premier disque s’inspire de la guerre civile espagnole et contient une des plus belles dramaturgies musicales que je connaisse.

A chaque écoute j’apprends beaucoup de choses sur la musique : les musiciens ont plein de façons de jouer « ensemble » ; tantôt ils jouent les uns contre les autres, comme s’ils s’affrontaient, et soudain ils se rejoignent en une fanfare unie magnifique.

Mon moment préféré est lorsqu’aux deux tiers de ce grand segment de 20 minutes, comprenant 3 morceaux « El Quinto Regimiento/ Los Quatro Generales / Viva La Quince Brigada », à 15 :30, au milieu du chaos, tous les musiciens se retirent pour laisser place à Gato Barbieri, qui entame un solo de saxophone rempli de larmes, d’amour et de sang. L’orchestre entier le rejoint peu à peu pour le soutenir dans cette complainte qui me dresse les poils à chaque écoute.


MARIE MÖÖR – Je Veux

Sol Hess : Marie Möör est une chanteuse et poétesse française que j’admire depuis des années. « Je Veux » est peut-être le morceau d’elle que j’ai le plus écouté, en boucle, pour ne pas sortir de ce drôle d’état à la fois vaporeux et périlleux dans lequel il me met. Le monde de Marie Möör se tient à un endroit particulier, à la frontière d’un monde invisible, qui côtoie à la fois la mort et un vivant exacerbé. « Je Veux » a été adapté pour Christophe dans le morceau « La Man », version beaucoup moins convaincante à mon sens, d’abord parce-que « je veux » a été transformé en « elle veut », et aussi parce-qu’on ne peut pas faire le poids face à la voix d’enfant sans âge de Marie Möör, qui semble avoir vu le début et la fin des temps.

C’est précisément ce morceau, et un album qu’elle a sorti en 2014, Les Vers de la Mort, qui m’ont donné envie de la rencontrer, et de lui proposer de participer à l’album avec le Boom Boom Doom Revue.

SONNY & LINDA SHARROCK – Bialero

Sol Hess : En 1969 (décidément une bonne année), Sonny Sharrock sort son premier album solo, « Black Woman ». C’est un album free très puissant et inspiré. On y retrouve son épouse Linda au chant sur des morceaux d’une grande intensité émotionnelle, qui la font passer d’un chant harmonieux à des hurlements d’une violence folle (« Portrait of Linda in Three Colors, All Black »). Puis, au milieu de l’album apparait ce « Bialero », un court morceau à la lumière douce. Ce morceau m’a toujours donné la sensation de me trouver à un coin de rue où perce le soleil en plein hiver, le laissant tranquillement me réchauffer la peau.

DAVE VAN RONK – House Of The Rising Sun

Sol Hess : La première fois que je me suis intéressé à Dave Van Ronk, c’était en lisant l’autobiographie de Bob Dylan, « Chroniques ». J’avais déjà vu Van Ronk raconter dans « No Direction Home » l’histoire de son adaptation personnelle de la grille de la vieille folk song « House Of The Rising Sun », que Dylan s’était empressé d’enregistrer, avant que lui-même n’en ait eu le temps.

Dylan parle de Van Ronk de façon très belle dans « Chroniques », et alors que je parlais de tout ça à ma compagne un soir, on s’est décidés à chercher « House Of The Rising Sun » par Dave Van Ronk ; la version qui a donné celles, plus célèbres, de Dylan et des Animals. Son chant est apparu, venant d’ailleurs, hypnotique et tout en heurts… et lorsque le silence est revenu on était tout simplement en larmes.

ROBERT WYATT – Alifib

Sol Hess : Alifib est un morceau que Robert Wyatt a écrit pour son épouse, Alfreda Benge, et qui parait dans son album culte, Rock Bottom. Le petit solo de bass délicat qui mène au chant mélancolique de Wyatt, le clavier qui s’immisce derrière… chaque élément semble empreint d’une lumière douce. Là aussi on a l’impression de se réchauffer sous un rayon de soleil dans le froid. C’est une des chansons d’amour qui m’émeuvent le plus, alors que Wyatt chante à moitié en yaourt, dans un langage codé, comme s’il chantait devant nous, mais uniquement pour Alfreda, et que le fait qu’on puisse comprendre tout à fait ce qu’il lui raconte serait une impudeur qui détruirait la profondeur de l’expression de son amour.

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