ADN #182 : Owen Pallett

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Aujourd’hui Owen Pallet, auteur en 2020 du superbe Island, nous parle des cinq morceaux qui définissent son projet solo.

FR : Cinq chansons qui définissent mon projet solo :

EN: Five songs that define my solo project:

György Ligeti – Atmospheres

FR : Quand j’avais cinq ans, mon grand frère et moi nous battions/jouions dans la voiture, et je me suis cassé la jambe. J’ai passé mon été entier dans une chaise roulante. Mon parrain a eu pitié de moi, qui ratais mes vacances d’été, et m’a acheté un magnétoscope  et des cassettes vidéo pour m’occuper. « 2001 : L’Odyssée de l’Espace » était l’une de ces vidéos — Je l’ai regardé et re-regardé plus de cinquante fois cet été là. J’ai été mis au contact des sons micropolyphoniques de Ligiti très tôt, et cela m’a frappé comme étant magnifique, pas dissonant. Instinctivement, enfant, je pouvais écouter « l’infini » dans cette musique — c’était un homme qui s’évertuait à créer des représentations musicales de quelque chose qui ne pouvait être compris.

EN: When I was five years old, my older brother and I were play-fighting in the car, and I broke my leg.  I spent the entire summer in a wheelchair.  My godfather took pity on me, missing out on my summer vacation, and brought me a VCR and some videotapes to keep me occupied.  “2001: A Space Odyssey” was one of these videos— I watched and re-watched it some fifty times that summer.  The micropolyphonic sounds of Ligeti were introduced to me at a very young age, and it struck me as beautiful, not dissonant.  Instinctively, as a child, I could hear “infinity” in this music— this was a man striving to create musical representations of a something that could not be fathomed.

Gastr Del Sol – Dry Bones In The Valley

FR : Quand j’avais 18 ans, j’ai trouvé la vieille guitare de mon beau père dans le grenier. C’était une petite Martin série-OO en acajou, probablement des années 50. Elle avait une forme un peu rugueuse, donc on l’a modifiée un peu et j’ai commencé à apprendre à la jouer. Je l’ai finalement échangée contre un instrument plus jouable, mais je l’ai toujours regretté. En 2015, j’ai trouvé une guitare identique dans un magasin à Santa Monica. Elle avait le même grand cou et le même son magnifique, et je l’ai directement achetée. C’est devenu l’inspiration première pour les chansons d’Island revenant à des compositions à la guitare.

En apprenant la guitare, il y avait deux immenses influences pour moi — Nick Drake et John Fahey. Cette reprise de Gastr Del Sol d’une chanson de John Fahey, avec Tony Conrad en guest au violon, était l’une des premières que je me suis apprise.

EN: When I was 18, I found my stepfather’s old guitar in the attic.  It was a small mahogany topped Martin OO-series, probably from the 50s.  It was in rough shape, so we got it fixed up and I started to learn to play it.  Eventually, I traded it for a more playable instrument, but I always regretted doing so.  In 2015, I came across an identical guitar in a shop in Santa Monica.  It had the same fat neck and the same gorgeous sound, and I bought it on the spot.  It became the primary inspiration for the songs on “Island”, getting back to my guitar-based songwriting.

Learning guitar, there were two huge influences on me— Nick Drake and John Fahey.  This Gastr Del Sol cover of a John Fahey song, with Tony Conrad guesting on violin, was one of the first things I taught myself.

Laurie Spiegel – Patchwork

FR : Le concept de “satisfaction” en musique me préoccupe. Je trouve un immense intérêt dans la musique qui manque visiblement de contenu — de la musique comme Stars Of The Lid, et Julius Eastman — de la musique qui a des restrictions sévères. Pour moi, je trouve un plus grand intérêt dans les créations basées sur des motifs de Laurie Spiegel que dans une musique qui cherche à se « surcharger» d’idées, l’action de surcharger rend souvent la musique statique, et inintéressante. À mes débuts lorsque je composais je m’engageais dans l’acte de « surcharger », et avec le temps j’ai cherché à exercer plus de discipline dans mon écriture, pour m’assurer que seulement les éléments les plus importants et les plus intéressants soient représentés. La musique de Laurie Spiegel est un totem de cette intention.  

EN: The concept of “content” in music preoccupies me.  I find there to be immense amounts of interest in music that is seemingly lacking content— music like Stars Of The Lid, or Julius Eastman— music that has severe restrictions.  To me, I find greater interest in the pattern-based creations of Laurie Spiegel than I do in music that seeks to overstuff itself with ideas— the act of overstuffing often renders the music static and uninteresting.  In the early stages of my songwriting, I found that I was engaging in this act of “overstuffing”, and over time I’ve been seeking to exercise more discipline in my writing, to ensure that only the most important, and interesting, elements are represented. Laurie Spiegel’s music is a totem of this intention.

Destroyer – An Actor’s Revenge

FR : La musique de Dan Bejar continue à maintenir sa popularité, particulièrement depuis qu’il a changé son approche de dramatiques s’agitant dans tous les sens à celui d’être plus dans la coolitude controlée. Your Blues de 2005, reste mon album préféré de lui. Son approche lyrique, la façon dont il utilise sa voix, sur cet album, son parfaitement équilibrés — avec humour mais sérieux, oblique mais direct. À mes oreilles, il écrit chaque ligne comme s’il avait une chance de captiver le public et qu’il la prenait. Je ne pourrais jamais approcher ses immenses prouesses, mais c’est quelque chose auquel j’aspire.

EN: Dan Bejar’s music continues to maintain its popularity, especially since he shifted his approach from being one of flailing dramatics to being one of more controlled coolness.  “Your Blues”, from 2005, remains my favourite of his albums.  His lyrical approach, and vocal delivery, on this album, are perfectly balanced— humorous but serious, slant but direct. To my ears, he writes every line like he’s got one chance at captivating the audience and he’s gonna take it.  I could never possibly approach his skyscraping achievements, but it something I aspire toward.

The Barcelona Pavilion – New Materiology

FR : Ce groupe était, à un moment, le groupe le plus excitant de Toronto. La brièveté de leurs chansons et la distillation de leurs sujets est époustouflant, et leurs performances live étaient incroyables, cherchant à renverser et réformer les attentes traditionnelles de ce qu’un « groupe » et un « concert » pouvaient être. Ce groupe (et Blocks, le label qui a été lancé par le membre Steve Kado, qui ont aussi sorti mes premiers albums) m’inspire pas seulement à cause de leur contenu, mais aussi du contexte dans lequel le monde les a reçus. Ils étaient avant Myspace et tous les autres réseaux sociaux, avant Youtube, ils ne sont pas sur les services de streaming, et — à part une session de John Peel— n’ont pas obtenu la reconnaissance qu’ils méritaient en dehors des frontières de cette ville. Par conséquent, leur importance peut paraître avoir diminué avec le temps, et l’histoire récente de la scène de Toronto des 00’s semble les oublier un peu. Cela étant dit : Je pense à eux au moins une fois par semaine, et les écoute une fois par mois — l’influence de ce groupe sur ma propre pratique créative ne peut pas être exagérée.

EN: This band was, at one point, the most exciting band in Toronto.  The brevity of their songs and distillation of their subject matter is breathtaking, and their live performances were thrilling, seeking to upend and reform the traditional expectations of what a “band” and a “gig” could be.  This band (and Blocks, the label that was launched by member Steve Kado, which also put out my early albums) inspires me not only based on their content, but also the context within which the world received them.  They predated Myspace and all other social media, predated Youtube, they’re not on streaming services, and— aside from a John Peel session— did not get their due outside of the boundaries of this city.  As a result, their meaningfulness may seem to have waned over time, as recent histories of the Toronto music scene in the 00s seem to overlook them.  That said: I think about them at least once a week, and listen to them once a month— the influence of this band on my own creative practice cannot be overstated.

(Son introuvable)

(Re)Découvrir Island :