2022 – Les coups de Coeur de La Face B – Acte IV

Peut-être plus que les autres années, 2022 aura été riche d’albums forts, et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de cœur du cru 2022. Sans plus attendre, la quatrième partie de notre sélection.

Poppy Fusée – La Lune (Charles)

2022 aura été faite de rencontres, de surprises, de réconciliations et de petits bonheurs qui n’auraient peut-être jamais du exister. Ce qui est drôle, c’est que La Lune de Poppy Fusée réunit toutes ces choses dans sa musique et, de manière évidente, dans l’écoute de son EP.

Une rencontre déjà, avec une artiste qui m’aura fait vibrer le cœur des premiers battements de 2022 à ses derniers pétales héroïques. Parce que Pesanteur débarquait par surprise dans les derniers jours d’un 2021 morose, et nous annonçait le meilleur. Un bonjour et des adieux en un seul titre, la présentation d’un univers qui fermait aussi la porte d’une autre histoire. Ce titre en anglais m’avait happé par sa douceur et sa sensibilité.

Miracle et réconciliation arrivèrent ensuite. Dans la musique et ce qu’elle dit, et surtout parce qu’elle a réussi à me faire aimer Titanic, traumatisme d’enfance qui me hante encore. Dans sa musique, Poppy navigue dans sa vie, dans ses souvenirs, dans ses différents points de personnalité pour les réunir, les recoudre et leur donner un sourire et une beauté mélancolique, à laquelle on ne peut que se raccrocher. Océan jouera le miroir, La Lune nous rappellera qu’on n’est jamais mieux que les pieds sur terre avec ceux qu’on s’aime, même si on a passé notre vie à regarder vers le ciel en espérant un ailleurs.

Et puis, il y a le retour au monde, l’une des plus belles déclarations d’amour de l’année. Paranormal n’aura eu de cesse de me faire pleurer, sans avoir besoin de Flavien Berger. C’est un morceau qui m’a définitivement transpercé, dont les nappes synthétiques frappent contre le récif de mon petit cœur de moins en moins abîmé.

En 2022, Poppy Fusée aura mis des couleurs dans ma vie, du jaune et du pamplemousse, du bleu et des étoiles. Et juste pour ce petit geste, cette transmission d’émotions en musique, je la remercie infiniment.

MNNQNS – The Second Principle (Thomas)

Là encore une énorme claque. Le disque que j’ai le plus écouté en dématérialisé cette année (177 fois tout de même, sans compter le support physique, donc). C’est dire !

The Second Principle n’est vraiment pas loin du concept album, musicalement du moins. Tout s’enchaîne avec une fluidité et une cohérence folle. MNNQNS voulaient nous montrer leur vision du Space-Rock, ils ont fait plus que ça. L’album est un masterpiece absolue, d’une complexité démente et pourtant si accessible et plaisant à écouter. Full Circle Back est un banger incontestable, qui filerait une pêche d’enfer au plus indolent de vos amis.e.s. All Jokes Aside est d’une beauté sans nom et Sleeplessly est tout simplement un chef d’œuvre. On y trouve un Rock incisif et délirant (celui de Harpoon ou de Ultraviolent Ultraviolet par exemple), des titres au pouvoir inébriant rarement égalé (Massive Clouds Ahead ou encore Pacific Trash Patch) et d’autres à la carrure colossale (Eyes of God).

Chaque détail semble réfléchi, peaufiné, les nombreuses sections s’enchaînent comme autant d’univers variés qui finissent par former un tout génial (à prendre au sens propre). 41 minutes de pur kiff auditif, avec un grand risque de tomber accro !

Dry cleaning – stumpwork (Pierre Pouj)

Ghost Woman ouvrait pour un groupe que j’adore, Dry Cleaning. (quand je vous dis que je suis vraiment horriblement dégoûté d’avoir loupé ce concert). A la première écoute, j’ai trouvé Stumpwork complètement éclaté au sol. Et j’arrive même pas à me souvenir pourquoi !

Mais au fur et à mesure d’écoutes, clairement, cet album se révèle comme un album magique. A l’inverse du premier opus du quartet anglais mixte, celui ci est bien plus travaillé, bien plus recherché. Le son, l’originalité des structures, des textures, rend l’oeuvre cousue d’un fil excellent. En deux grosses sorties, iels ont réussi le coup de force de se créer une identité propre, un son qu’on reconnaît instantanément. C’est rare de nos jours, ça a le mérite d’être souligné.

Finalement, Stumpwork est excellent, à en faire pâlir New Long Leg (leur premier opus, tous deux sortis chez 4LD ltd). La leadeuse, aux paroles toujours aussi énigmatiques, sans structure ni ligne de chant à proprement parler, ouvre l’album sur la ligne « Should I Propose Friendship ? ». Bah grave, avec plaisir. 

PinkPantheress – Take me home (Maureen)

Aussi surprenant que cela puisse paraître, un des projets qui m’a le plus plu en cette année 2022 est composé de seulement trois titres. Dans une ère remplie de rééditions et de deluxe en tout genre, où l’on ne compte plus le nombre d’albums si longs qu’il en devient presque un supplice de les finir, PinkPantheress nous ramène avec Take me home une fraîcheur qu’il nous tardait d’obtenir en cette fin d’année. 

En dévoilant le projet fin décembre, l’artiste parvient, grâce à ses refrains entêtants et aux productions ensoleillées qui l’accompagnent, à nous faire voir le bout du tunnel en cette période que l’on peut qualifier sans grand risque de déprimante au possible. Après avoir dévoilé son premier album l’année dernière, PinkPantheress a su dépasser le plus grand défi qui se présentait à elle : se renouveler. On la découvre au sein de ce nouveau projet plus épanouie, mais surtout plus sûre d’elle et de sa musique, ce qui se ressent et nous permet de l’apprécier encore davantage.

Je le considère comme un juste entre deux, comme un interlude réussi vers une nouvelle phase de sa carrière où, je l’espère, elle affirmera son style et prendra en maturité pour continuer son ascension et s’imposer comme une popstar majeure au Royaume-Uni. Coup de coeur pour le tout particulièrement réussi Do you miss me? que je recommanderais à tous ceux qui cherchent à se changer les idées face au froid glacial qui nous a pris en grippe.

DOMi & JD BECK – NOT TIGHT (Manu)

Le Jazz n’a de cesse de remonter dans l’estime et l’attention du public depuis maintenant quelques années. Ce fait permet à de jeunes prodiges, des musiciens d’un talent rare, de s’exprimer et de chasser une certaine visibilité. Cette année, deux jeunes musiciens, Domi Louna et JD Beck, respectivement claviériste et batteur, ont réussi à se démarquer. Le duo franco-américain a sorti cet été son premier album : NOT TiGHT.

Ce que l’on peut dire, c’est que DOMi & JD BECK ne se complaisent pas dans la mesure. Ce premier disque enregistre un nombre de collaborations tout bonnement impressionnant pour des débuts discographiques. Thundercat, Marc DeMarco, Kurt Rosenwinkel, Herbie Hancock, Anderson Paak, Busta Rhymes et Snoop Dogg. Voilà la liste complète des acteurs extérieurs au groupe présents sur le projet. 

Outre ce casting impressionnant, la musique proposée par les deux jeunes musiciens s’avère être sensationnelle. Démonstrative mais surtout très subtile, la composition exposée sur NOT TiGHT confirme le statut conféré aux deux musiciens. À savoir celui de deux prodiges, au talent et à l’imagination dont nos oreilles risquent de se délecter ces prochaines années.

Stupeflip – Stup Forever (Noé)

Stupeflip, avec ce retour espéré par tous les fans, nous démontre une fois encore son génie en ajoutant un chapitre à l’épopée de King Ju, C4d1ll4c ou Sado-Modo (sans oublier le retour inopiné de Pop-Hip, remontant des enfers le temps d’une chanson).

C’est le cinquième (voire le cinquième et demi, si l’on tient compte l’EP Terrora !!) volet de l’aventure et, peut-être même, sa potentielle fin. Et sa conception frôle le parfait. Les morceaux s’enchaînent à un rythme effréné, sans transition. Les moments de pur bonheur musicaux se succèdent, accompagnant des textes toujours aussi stupéflippants.

La puissance et la profondeur de l’album, Stup forever, résident dans la dualité des titres qui le composent. Le morceau Glûo joue le rôle de gardien de l’entre deux faces de l’album. Les chansons egotripées comme Étrange Phénomène, Tellement Bon, Dans Ton Baladeur sont dans la lignée de celles de son album précédent, Stup Virus. Pour les autres, plus intimes, il ne redoute plus de se démasquer en dévoilant certaines facettes de sa personnalité, liées à l’enfance avec Vengeance !!!, ou introspectives comme Les Voûtes. Vengeance !!!  dévoile une partie du passé de King Ju, sa mésaventure avec le théâtre de Guignol et le trauma qu’il entraîna. Les détails fourmillent et deviennent les catalyseurs de cette mise en abîme. Les fragments de ses souvenirs remontent et deviennent un tout. C’est là, dans ce tout, que Stupeflip nous touche le plus profondément.

Et pour un album que l’on attendait plus, la sortie de Stup forever a définitivement été une fabuleuse surprise.