2021 – Les coups de cœur de La Face B – Acte V

Si 2021 aura été une année presque aussi étrange que la précédente, elle aura vu malgré tout le retour à une certaine normalité. Surtout, elle aura été une année musicale très riche et foisonnante. La rédaction de La Face B a donc sélectionné ses albums favoris de l’année. Aujourd’hui, on vous parle des albums de

Beachy Head – Beachy Head (Marine)

S’il fallait n’en choisir qu’un, ce serait lui. L’album de l’année 2021. Un opus au nom du groupe, Beachy Head. Sorti en avril, enregistré en plein confinement et découvert il y a quelques mois, il ne cesse d’occuper mon quotidien depuis.
Voilà le premier bijou d’une formation prometteuse, composée notamment de deux membres du groupe anglais de shoegaze Slowdive. Christian Savill et Rachel Goswell sont accompagnés par Matt Duckworth (le batteur de Flaming Lips), Steve Clarke (The Soft Cavalry) et Ryan Graveface (The Casket Girls et Dreamend). Une équipe de choc pour une création intense et singulière.

C’est un album composé de 8 titres. 8 titres à écouter le matin sous la douche, dans les transports en commun pour se rendre au travail, le soir emmitouflé sous sa couette. Pour se dynamiser, pour affronter une longue journée, pour s’apaiser. Ce sont 28 minutes qui s’égrènent délicatement, des morceaux qui s’écoutent religieusement.

Lorsque le quotidien est un peu trop lourd, alors il me suffit d’entendre ce groupe pour que le sourire, l’entrain et les jolies pensées reviennent instantanément. L’album s’ouvre avec Warning Bell, un morceau teinté de shoegaze, lumineux et vivifiant. Et sur sa lancée Michael nous happe. J’ai la sensation, moi aussi, d’être à Beachy Head, cette falaise dans le Sussex en Grande Bretagne. Ce site naturel qui vient recueillir les joies et les derniers instants de souffrance.

Et lorsqu’enfin surgit Destroy Us j’ai envie de faire le grand saut et plonger dans les embruns de la vie, laisser le soleil me lécher le visage et profiter toute entière de cette quiétude réparatrice.

Beachy Head, un album vaporeux, empreint de douceur et de mélodies pop, de voix aériennes et de nappes brumeuses. A écouter lorsqu’on perd un peu le nord et qu’on cherche à retrouver le cap.

Tirzah – Colourgrade  (Héloïse)

La musique de Tirzah est organique et attirante. Son minimalisme apparent toujours captivant, surprenant et/ou bizarre. Comme finir un morceau en apesanteur rythmé par des battements de cœurs (…Send Me) par une cacophonie de guitare saturée (qu’après notre réaction initiale : “pourquoi ?”, on adopte et on aime) ou sur Beating, où la musicienne tousse puis continue à chanter… La lenteur est assumée, sereine et langoureuse. Colourgrade est intime et réconfortant.

Pour ce second album la musicienne londonienne s’est unie à nouveau avec Mica Levi (Micachu & the Shapes, Under the Skin…) et Coby Sey (CURL), ses amis et collaborateurs proches avec qui elle avait aussi réalisé son premier opus, le magnifique Devotion (2018). Un album introspectif aux aspérités réjouissantes qui tourne en boucle sur ma platine depuis sa sortie en octobre… 

Dafné Kritharas – Varka (Camille)

Cette année, la chanteuse franco-grecque Dafné Kritharas nous a embarqués dans sa “varka” (“barque” en grec) avec un deuxième album sorti en octobre. Si le premier se partageait entre la langue grecque et le ladino (langue judéo-espagnole), Varka étend sa géographie à la globalité du monde post-ottoman. Ainsi, des chansons de Grèce, de Turquie, des Balkans ou encore d’Arménie se côtoient, se mélangent.

On pense alors au mélange des genres avec la chanson greco arménienne Mystika Pos S’Agapo, qui a en elle des airs de rébétiko et de chanson de Richard A. Hagopian. Les cultures se confondent au sein même de l’entourage musical de la chanteuse, avec des musiciens Kurde, Arménien, Azerbaïdjanain, Libanais ou encore Iranien. Ses reprises bien que traditionnelles ont des teintes contemporaines.

On pense alors au titre De Edad de Kinze Anyos. Comme on taillerait la pierre, le travail du son est taillé avec précision entre des sonorités vaporeuses numériques et l’acoustique organique de percussions ou de guitare. Pourtant, à la manière d’une sage prêtresse, Dafné Kritharas parvient à garder l’âme des morceaux qu’elle reprend. On en prenant soin, et en se laissant traverser par ces chansons reprises encore et encore. Comme un précieux secret que l’on se partagerait de génération en génération.

Le morceau Varka Mou Bogiatismeni est comme habité. Il n’y a que deux voix qui résonnent en communion. Aucun instrument, comme pour faire de ce chant quelque chose de sacré. Puis avec le titre Preza Otan Pieis, l’artiste nous emmène dans des prisons grecques. Cette chanson était chantée par les prisonniers, et critique la dictature. Un vent de liberté et d’enivrement, d’autant plus lorsque l’on sait que cette chanson évoque la prise de poudre blanche. Et c’est bien la liberté qui vibre dans l’œuvre de Dafné Kritharas. 

François & The Atlas Mountains – Banane Bleue (Caroline)

C’est le single Coucou, et sa nostalgie amoureuse inhérente, qui nous aura immédiatement emus dans cette composition. Ce dernier produisant un motif bien précis et pleinement relatif à la musique de François & The Atlas Mountains : cette poésie légère et délicate mêlée à l’absurdité du quotidien. Banane Bleue possède tout cela, peu importe la langue ou les mots employés, tout l’album est une carte postale de vacances colorée envoyée en plein coeur.

Des souvenirs amoureux, des couchers de soleil, des baisers interminables et une fougue apaisée, le groupe de François Marry condense dans ce cinquième album tous ces moments dans lesquels chacune et chacun peut se retrouver sans mal, dans un élan romantique.

C’est un album sans grandiloquence, tout en simplicité et en honnêteté, fait à la fois pour accompagner les maux et les moments de liesse. Finalement un album vivant, qui n’aura eu de cesse de nous accompagner (presque) tout au long de cette année 2021 si étrange.