2020 – Les coups de coeur de La Face B / Acte I

2020 année étrange, 2020 année bousillée, mais 2020 année musicale malgré tout. Alors comme tout bon média musical qui se respecte, on a décidé de partager avec vous les albums qui ont fait battre nos cœurs en 2020. Pour ce premier acte, on laisse la parole à notre rédacteur en chef qui dévoile trois albums importants de son année : l’évidence avec Thousand, l’inattendu avec Cabane et le (pas si) improbable avec Oliver Tree.

L’évidence : Thousand – Au Paradis

Puisque ce sont mes coups de cœur, autant être sincère tout de suite : il y a effectivement des albums que j’écoute d’une manière totalement différente que d’autres. Parce que certains artistes créent une attente particulière chez moi, que je les aime profondément car je les connais déjà. Thousand était encore dans mon esprit et dans mon cœur puisque je n’avais pas encore totalement quitté son Tunnel Végétal (et encore aujourd’hui, je m’y perds encore avec plaisir) quand a débarqué Au Paradis.

Qu’est ce qui en fait donc l’évidence de cette année 2020 ? La réponse facile serait de dire que ce nouvel opus est une merveille absolue. La vérité c’est que, contrairement à d’autres, Stephane Milochevitch a contré toutes mes attentes et ce pour mon plus grand bonheur.

À la beauté luxuriante et foisonnante de son précédent opus, Au Paradis répond par une sorte de classicisme bienvenue qui se concentre sur une palette mélodique resserrée ayant pour conséquence de transformer le romantisme mélancolique en une musique en clair/obscur, à la fois plus lumineuse tout en s’offrant un côté aride et dur qui recentre le format des chansons, exception faite du trip que représente Le rêve du cheval ou l’expérience fiévreuse qu’est des fleurs dans un feu.

À La relation particulière qui le liait à Emma Broughton, Thousand offre une disparition progressive de sa voix, pour finir par lui donner le rôle de présence fantomatique, lointain échos qui revient ça et là nous hanter par sa beauté.

En occultant volontairement ces deux éléments fondateurs de l’expérience qu’était Le Tunnel Végétal, Thousand aurait pu faire s’effondrer Au Paradis comme un château de cartes. En réalité, en prenant la voie du contrepieds, en suivant ses envies plutôt que celle de son auditeur, il renforce profondément l’attraction et la fascination qui ressortent de sa musique.

Car au delà de ça, de ce qu’on pourrait appeler la modification de la couleur de son aura, Thousand s’amuse et nous entraine avec lui. En se libérant totalement du poids du chant en français, en laissant aller son écriture encore plus loin dans les références et les auto-citations, en offrant une confrontation permanente entre termes datés et langage bien plus fleuri et actuel, on se retrouve avec un album beaucoup moins mono-stylistique qu’on aurait pu l’imaginer.
Ainsi, Thousand nous ouvre une autre porte de sa maison et nous invite une nouvelle fois à nous y perdre.

Et puis, il faut bien le dire, en très bon album de pop, Au Paradis enfile les grandes chansons comme des perles que ce soit l’extatique Jeune Fille à L’Ibis, l’envolée épique qu’est Au Paradis ou les mélancoliques Masque du Fou ou Bâton Ivre, Thousand multiplie les émotions pour mon plus grand bonheur et le votre aussi.

Donc oui si il ne devait en restait qu’un en 2020 ( ce qui est faux puisqu’il y en aura ici trois) ce serait Au Paradis de Thousand. Tout simplement parce que c’est un album qui continuera d’exister dans les dix prochaines années de ma vie, un album qui apparait naturellement quand je me cherche quelque chose à écouter au hasard. Un album qui a fini par faire partie de moi, de manière totalement naturelle.

L’inattendu : Cabane – Grande est la maison

Début 2020, je ne connaissais pas Cabane. Alors que l’année vit ses derniers instants, j’ai l’impression désormais que Grande est la maison est un ami proche qui a toujours été présent.

C’est ça l’inattendu pour moi, c’est se laisser aller au coup de foudre, laisser toujours de la place dans mon cœur pour une œuvre qui y trouvera sa place comme la pièce d’un puzzle sans fin qui viendra s’imbriquer de manière naturelle et évidente. C’est foudroyant, implacable et cela me rend parfaitement heureux : Cabane est désormais là, et il ne bougera plus.

Ces dix titres resteront en 2020, et le hasard du nom a définitivement bien fait les choses, la cabane que je me suis construite pour me protéger du monde. Faite de couvertures sonores, elle est, lorsque je pose mon casque sur les oreilles ou le diamant sur le vinyle, la porte ouverte à des aventures, des voyages et un terrain privilégié pour laisser voguer mon imagination. Tout Cabane peut se résumer ainsi : se trouver un endroit où vivre différemment des agressions du quotidien. Mais pas que …

Car, sans le vouloir, Grande est la maison est la belle utopie de 2020, un refuge permanent qui nous rappelle tout un tas de choses « nécessaires et essentielles » : l’amour est partout il suffit de le saisir, le monde ne se construit pas à travers l’égo mais dans la collaboration, la bienveillance est une vertu et fatalement, le monde a besoin de douceur.

Loin de la puissance sonore, loin de l’efficacité brutale qu’on tente de nous imposer de plus en plus, Cabane choisi la simplicité, la puissance émotionnelle des cordes et la plénitude du côté organique pour nous retourner. Le tout associé à ce merveilleux ping-pong vocale qui se joue entre Bonnie « Prince » Billy et Kate Stables transforme grande est la maison en véritable bouleversement, un album hors du temps qui laissera une trace sur l’âme de toutes les personnes qui lui trouveront une place, dans leurs cœurs et dans leurs vies. Moi le premier.

Et parce qu’une expérience merveilleuse ne peut aller qu’en continuant, Thomas Jean Henri a continuer d’agrandir sa maison, nous offrant The Remake Series, collection de morceaux où il laisse sa Cabane dans les mains amicales et affectueuses d’artistes qui réinterprètent avec un bonheur certains les morceaux de grande est la maison. Impossible de résister aux haromines vocales de Laura Etchegoyhen, à la douceur jazz de Nicolas Michaud où à la tendresse presque brute de Marc A.Huyghens.

Une chose est certaine, Grande est la maison, Cabane l’est aussi. Cet album est passé pour moi d’inattendu à salutaire. Un petit trésor pas si caché que je partagerai encore et encore avec tous les gens qui seront prêt à l’accueillir et le faire vivre à leur tour.

Le (pas si) improbable : Oliver Tree – Ugly Is Beautiful

Pas si improbable … Lorsque j’ai vu la tête d’Oliver Tree débarquer un peu partout dans mon résumé spotify de 2020, je n’ai pas été réellement surpris. Parce que pendant une bonne partie de l’été, Ugly Is Beautifull a tourné en boucle dans mes oreilles.

Il faut dire que l’album a tout un tas de qualité propres à son format qui le rendent idéal pour une écoute dans les transports en commun. Sa durée tout d’abord, car si l’album est lourd de 14 titres, la grande majorité ne dépasse pas les trois minutes, ce qui rend son écoute étonnamment fluide, notamment grâce à sa seconde qualité. Tree ayant des références et des idées plein la tête, son album est un foisonnement sonore, passant sans vergogne du coq à l’âne, du génialement hip hop et retro Bury Me Alive à la plus pop Alien Boy. On se retrouve ainsi face à ce qu’on pourrait qualifier « d’album playlist », de joli plaisir réjouissant et entrainant aux premières écoutes . Mais est-ce réellement suffisant pour tenir dans le temps et ne pas transformer les premières écoutes en ennui poli ? Et bien pour moi la réponse est oui.

Pour beaucoup de garants du bon goût, Oliver Tree aura tout du repoussoir immédiat, entre son look affreux, ses provocations permanentes, sa voix irritante et sa volonté de se transformer lui même en meme vivant. Tout un tas de raison qui font que pour ma part j’aime l’américain au delà de toute raison réaliste. Sans doute parce que je me reconnait derrière cette image de petit morveux en recherche permanente d’attention, mais aussi parce qu’il y a plus. Bien plus.

Disséminées ici et la, Oliver Tree laisse à la vue de tous des failles, des morceaux du vrai lui qui apparaissent lorsque le masque du monstre se brise. Un garçon qui a beaucoup plus à dire et à penser que certains ne voudrait le croire.

Si il se cache en permanence derrière l’humour, si il joue de toutes les outrances, Ugly is Beautifull montre malgré tout que Oliver Tree est avant tout un excellent compositeur, un bonhomme avec une vraie plume et un univers bien à lui.

Il parait que le développement chaotique de ce premier effort l’aurait définitivement dégouté de la musique, j’ai personnellement du mal à y croire. Et d’une manière ou d’une autre, je reste persuadé qu’on retrouvera bientôt ce bo Oliver quelque part. Personnellement, je n’attends que ça.